ARCHIVES PAR MOIS : juin 2016

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Naissance de la Paroisse des Contamines

CATEGORIE : Histoire

Avant 1750, les Contamines n’étaient que le « quartier d’en haut » de la paroisse de Saint Nicolas de Véroce. Il fallait plus d’une heure de marche pour se rendre à l’église paroissiale de St Nicolas, marche périlleuse lors des crues du Bon Nant et de ses affluents, marche difficile lorsque le gel et la neige sévissaient sur la vallée. Et quand on allait chercher le prêtre pour administrer les derniers sacrements, il arrivait parfois trop tard !

De plus, bien que représentant les 2/3 de la population, les Contaminards étaient sous-représentés au Conseil de la Paroisse. Ils étaient aussi réticents devant les frais des procès contre St Gervais, Combloux et Megève, relatifs aux alpages du Mont Joly et d’Hermance, qui ne les concernaient aucunement.

En 1751, la demande de création de la paroisse des Contamines est faite auprès de l’évêque d’Annecy. Elle tient en trois pages, mais le procès qui s’ensuit, opposant les Contaminards à St Nicolas, noircira douze cents pages et durera dix ans ! En voici un petit extrait :

07 extrait a et b

 

et sa transcription :

Monsieur, lors du jugement, il suffira de faire une légère description des lieux :

Le quartier d’en haut de Saint Nicolas est en forme de berceau partagé par le torrent Bonan, et dont les montagnes des deux cotés au levant et au couchant sont extrêmement hautes, ce quartier est tout en plaine depuis le hameau de Battieux au couchant, jusqu’à celuy du Quy, à l’exception de quelques descentes et montées dans les torrents notamment dans celui des meuniers qui est extrêmement profond, et a l’exception des quelques villages qui sont plus élevés dans la pante des montagnes, il en est de même au levant depuis le praz jusqu’aux Trêsses …

Finalement, la sentence autorisant l’érection de l’église arrive le 24 juillet 1758. Un contrat est aussitôt signé avec Domenico Gualino, maître maçon piémontais du Val Sesia. L’église devra être achevée pour l’automne 1760.

Plan et prix-fait de l'église

Plan et prix-fait de l’église

Mais le curé de St Nicolas fait appel de la sentence, un nouveau procès commence à l’archevêché de Vienne en Dauphiné, qui durera seize mois. Le 24 mars 1760, St Nicolas est débouté définitivement.

Les frais de procès représentent environ la moitié du prix de construction de l’église !

Toute la population, avec enthousiasme, offre sa peine et son argent, et de riches expatriés en Allemagne et Autriche (par exemple Jean-François Pernat, voir en fin d’article)  font de généreuses donations pour financer cette église, implantée sur les ruines de l’ancien château du Comte de Montjoie, le clocher étant bâti sur une ancienne tour de ce château. Le maître maçon décède avant la fin du chantier, son propre fils le remplace et termine la construction.

Dessin Pascale Girard-Mollard

Dessin Pascale Girard-Mollard

L’église dédiée à la Sainte Trinité est consacrée par l’évêque en 1766.

Le 31 octobre 1769, la paroisse est enfin constituée en corps de communauté, notre commune actuelle, par un acte du roi Charles-Emmanuel III :

Acte du Roi Charles-Emmanuel III

Acte du Roi Charles-Emmanuel III

Emmanuel par la grace de Dieu. Roi de Sardaigne, de Chipre, et de Jerusalem.
Duc de Savoie, de Montferrat et Prince de Piemont.

Aianz vu dans nos audiences la Requête ci jointe, et sa teneur considérée, par ces présentessignées de notre main, de notre certaine science, authorité Royale, eu sur ce l’avis de notre Conseil, en continuation de nos graces restituons les Sups en tems et en entier à presenter dans le terme de trois mois prochains par devant le Senat de Savoie, et la Chambre des Comptes pour y faire enregistrer les Royales Patentes du 31 8bre 1769, par lesquelles nous, en séparant de la Paroisse de St Nicolas de Veroce en Faucigny le quartier des Contamines et de N.D. de la Gorge l’avons erigé en corps de Communauté moyennant la finance de six cent soissante livres. Car telle est nôtre volonté.
Données à Turin le onzme di mois de May l’an de grace mil sept cent septante, et de nôtre Regne le quaranteune.

Emmanuel

Croquis de Turner

Croquis de Turner

1911 contamines Pochon0273

Les Contamines vers 1910

Jean-François Pernat et l’église des Contamines.
Lors de la construction de l’église des Contamines, en 1758, cet émigré en Hongrie qui pourtant n’était pas originaire du Val Montjoie, mais d’Arâches près de Cluses, fit un don considérable pour l’établissement du prêtre …  et pour le salut de son âme !

L’acte notarié établi à Vienne, en présence d’un témoin originaire des Contamines, le marchand Joseph Marie Bouvard,  est transcrit ci-après :

Contrat notarié de la fondation Pernat

Contrat notarié de la fondation Pernat

« … Par devant moy Notaire Impérial Public Juré à Vienne en Autriche, et les témoins soussignés s’est en personne établi le sieur Jean, fils du sieur Michel Pernat, originaire de la paroisse d’Araches en Faucigny, duché de Savoye, marchand bourgeois de Peste en Hongrie, lequel s’étant apperçu , que la Communauté des Contamines dans le Faucigny, mandement de Montjoye, travaille à se procurer une église paroissiale, pour pouvoir plus aisément satisfaire aux exercices publiques de la Religion, et voulant seconder leur pieux dessein, de son gré fait, constitue et députe pour son Procureur spécial, le dit Sr Michel Pernat son père, d’ici absent, moy Notaire pour luy présent et acceptant, et c’est pour et au nom du dit Sieur Constituant promettre et l’engager en faveur de la dite Communauté des Contamines de la somme de six mille livres de France en capital, pour l’établissement d’un prêtre au dit lieu [… ] la dite Communauté des Contamines, soit les particuliers d’icelle tous en général, et chacun l’un pour l’autre s’engageront, tant pour eux que pour leurs descendans, d’en demeurer solidairement responsables à perpétuité du dit capital, et d’en payer l’interest au quattre pour cent au dit Prêtre annuellement, de faire dire deux messes basses chaque semaine de l’année à perpétuité, et une grande avec la Prose des deffunts après le décès du dit constituant, avec encore la prière à haute voix de trois Pater et trois Ave, pour le dit constituant, et à son intention chaque dimanche et Fête, à la messe paroissiale, après le premier Evangile, aussi à perpétuité … »


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La chapelle du Baptieu

CATEGORIE : Oratoires & chapelles

Nous sommes en 1679 – Louis XIV règne sur la France, la Savoie est sous l’autorité de Victor-Amédée II (1675-1730) qui gouverne à Turin, laissant une certaine autonomie (de jour en jour plus restreinte) au Sénat qui siège à Chambéry.

Le village du Baptieu – dont le nom ne vient pas de « Baptisterium » comme voulaient le faire croire de vieilles chroniques, mais plus prosaïquement d’un battoir à chanvre qui s’y trouvait, possède une chapelle (voir article sur les chapelles).

Cette chapelle est la plus ancienne chapelle de la paroisse, bâtie sans doute, au XVème siècle par la famille Charvey. Elle est placée sous le vocable de Sainte Marie-Magdeleine, patronne des filles repenties, et Saint Georges, patron des cavaliers, militaires et chevaliers. Elle est reconstruite sous l’épiscopat de Mgr d’Arenthon d’Alex en cette année 1679 : un acte notarié rapporte que la chapelle a besoin de réparations.

Lisons cet acte notarié du 3 novembre 1679 : « Comme ainsi soit que la chapelle assise au Baptieu, fondée sous le vocable de Sainte Marie Magdeleine, soit tombée presque en ruine et que, à faute de fondateurs et recteur d’icelle (qui) seraient mis en devoir de faire les réparations nécessaires de la dicte chapelle, Mgr de Genève, à sa dernière visite, avait ordonné que, faute des sus-nommés fondateurs et recteurs, fassions les dites réparations dans les trois mois après la dite ordonnance… ».

Deux habitants du Baptieu se présentèrent pour entreprendre et mener à bien les travaux : « honorable Pierre Raddaz ; et Nicolas, fils de feu Nicolas Laisné Callamard ». On leur fournira les matériaux, et ils devront avoir achevé les travaux le 16 juillet 1680. Il y aura un « plancher dessus à cinq pans, à forme de celui de l’Eglise de Saint-Nicolas ». La couverture sera en tavaillons. Ils seront payés « vingt sols, monnaie de Savoie, par chacune journée, payables en deux tournées, la première à moitié besogne faite, et l’autre moitié la dite besogne parfaite ». A l’époque, la monnaie en cours était le florin, qui se divisait en douze sols, lesquels en douze deniers… Un bon poulet valait quatre sols.

La chapelle comprendra une tribune, chose assez rare dans une chapelle et une couverture en tavaillons, aujourd’hui disparue. La façade comporte un oculus et une porte à barreaux. Un clocheton en bois, et sa cloche de bronze dominent la chapelle. On peut y voir trois objets religieux remarquables : une statue de Sainte Marie-Magdeleine du XVIème siècle, une de Saint Sébastien du XVIIIème siècle et un crucifix d’art populaire.

Christ naïf

Christ naïf

 

Sainte Marie-Magdeleine

Sainte Marie-Magdeleine

La cloche originale a subi la réquisition imposée par les autorités révolutionnaires en 1793, la Savoie étant alors sous domination française, comme le relate le conseil communal du 28 octobre 1793 :

« … De la nous somme venu à la chapelle du Baptieux ou nous en avons trouvé une pesant environ quatre vingt dix livres portant en inscription le millésime de mil six cent huitant un et le noms de Joseph Revilliod et Michere Galliard sa femme … »

La cloche actuelle sera fondue en 1846 :

La cloche du Baptieu et ses inscriptions

La cloche du Baptieu et ses inscriptions